Le bois bleu

 

Le bois bleu

La forêt me fascine depuis longtemps. Enfant je passais des journées entières dans le grand bois de Staneux, près de Spa, au milieu des mûres et des bruyères, j’aimais me coucher sur des lits de fougères, je construisais des cabanes, je concoctais des soupes de baies de sorbier…

En préparant ma première exposition chez Michel Vokaer en 2006, je me rendais au bois tous les jours. J’y retrouvais les ambiances de mon enfance. Je ne travaillais pas directement sur le motif mais je revenais à l’atelier chargée d’impressions et d’images que je m’appliquais à tenter de retrouver. La clairière, la lisière, le vallon, le chemin forestier devenaient peu à peu mes sujets de prédilection.

Vers la mi-avril certains bois du Brabant se couvrent de jacinthes bleues. Précédée par les lumières tendres des jonquilles et des anémones blanches cette soudaine présence du bleu hante et magnifie la forêt. Avec le temps, le travail, l’incessant côtoiement de ce paysage, c’est tout naturellement que la vision des jacinthes s’est imposée à moi comme thème majeur de ma recherche picturale. Constamment émue, portée, par leur couleur bleue-violette, si particulière, je cherche à accéder à ces zones de silence et d’intériorité qu’a fait naître au premier regard leur floraison en nappes au milieu des frênes et des hêtres. Ce sont des gisements, des puits de lumière inversée, des tapis somptueux qui jonchent alors la forêt de ciels et de grands lacs, font vibrer les verts et léviter les troncs noirs. Dans ces mouvements de l’œil, du rêve et de la mémoire, l’espace vibre entre terre et eau, la nuit habite le plein jour, puis l’espace se fragmente et s’ouvre sur un au-delà du visible, la forme s’allège au profit de la couleur, une énergie prend naissance au corps du bleu, toute la lumière s’y cherche et quelques fois s’y trouve, avec le geste une allégresse court et j’entends rire comme autrefois le génie du bois bleu.

Décembre 2009Marie Desbarax